Le regard des autres

Avoir un cancer, c’est aussi devoir affronter les remarques, conseils, recommandations des uns et des autres. Tout cela participe certainement d’un besoin humain de communication, compréhension, compassion, mais n’est pas toujours approprié. Comme je ne cache pas ma maladie et m’en ouvre spontanément si la conversation y conduit, j’ai pu bénéficier d’un véritable florilège.

Citons d’abord les commentaires morbides de tous ceux qui ont connu dans leur entourage des personnes atteintes d’un cancer, qui en sont mortes, et qui pensent sans doute avec tristesse que le même sort vous attend.  A l’opposé l’on peut entendre les récits naïfs de ceux qui, dans leur entourage, ont des proches qui non seulement y ont survécu mais en sont même maintenant guéris, et sont donc persuadés que ce que vous avez est anodin est qu’il n’y a pas de raison de s’en faire. On n’échappe pas non plus aux dispensateurs de bons conseils qui tentent de vous convaincre que tout cela n’est pas si dramatique puisqu’après tout on peut mourir à tout instant d’un accident de la circulation ou d’un AVC. Ce que ces personnes sont incapables de comprendre, parce qu’elles n’y sont pas confrontées, c’est qu’il y a un gouffre entre penser qu’il existe une probabilité de mourir accidentellement à tout instant, et savoir que l’on mourra sans doute dans un nombre limité d’années d’une maladie que l’on a.

Ce qui peut être difficile à supporter également c’est une certaine forme d’incompréhension quant à notre état. Comment pouvons-nous être diminués, fatigués puisque n’apparaissent pas forcément de signes physiques manifestes justifiant cette fatigue ? Certains même, surtout parmi les plus jeunes, n’y voient qu’un effet de l’âge et non de la maladie.

Faire preuve d’empathie, c’est peut-être non pas prétendre éprouver ce que l’autre ressent, on ne le peut pas, ni prétendre donner des conseils qui seront très probablement inadaptés, mais tout simplement écouter ce que l’autre tente d’exprimer.

Le fait de se déclarer gravement malade favorise les confessions. Les personnes habituellement très discrètes sur leur état de santé se livrent beaucoup plus spontanément, et l’on découvre qu’autour de soi l’état de bonne santé n’est pas si fréquent. Peut-être subsiste-t-il encore un tabou autour de la maladie, qui fait craindre l’incompréhension de l’entourage, crainte qui disparaît lorsque l’on sait que l’on a affaire à une personne gravement malade dont on imagine que son état lui permettra forcément de comprendre ; ou bien s’agit-il tout simplement de pudeur, ou encore de peur d’ennuyer l’entourage par ses déboires personnels. Il est vrai que la vie sociale serait bien triste si les conversations ne tournaient qu’autour de la maladie des uns et des autres. Nous attendons aussi de la relation sociale qu’elle nous permette d’oublier quelques instants les affres de notre quotidien.

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