La place de la dictée

La dictée, autrefois exercice pilier de l’enseignement de l’orthographe, est aujourd’hui un exercice très décrié, quasiment banni des écoles pendant une longue période.

Elle intervient ici en complément de la méthode proposée dans l'article précédent, et permet d’en apprécier de temps en temps l’efficacité sur un texte imposé.

Il importe de choisir un texte de longueur et de difficulté bien adaptées aux élèves. À l’usage, on s’aperçoit très vite lorsqu’un texte n’était pas adapté. On pourra le modifier ou en changer l’année suivante.

La notation se fait sur 20, note dont on part en enlevant des points selon un barème évolutif en fonction de la progression de la classe en grammaire et orthographe. Par exemple les fautes d’orthographe lexicale font perdre 1 point, mais certaines fautes d’orthographe grammaticale, jugées plus « graves » et évitables peuvent faire perdre 2 points. Ainsi on pénalisera assez rapidement de deux points les fautes d’accord du verbe ou de pluriel du nom, et l’on pourra étendre la pénalité aux fautes d’accord de l’adjectif qualificatif lorsque ces notions auront été correctement vues ou revues en grammaire et orthographe. L’important est que les élèves soient avertis par avance du barème afin qu’ils en tiennent compte dans leur travail.

Le niveau des élèves en orthographe étant très hétérogène, j’ai expérimenté la solution suivante qui, malgré son apparente complexité, fonctionne très bien.

On prévoit plusieurs points d’arrêt possibles dans la dictée, là où des coupures sont réalisables compte tenu du texte. Prenons par exemple le texte de dictée suivant. On y a inscrit les arrêts possibles avec le nombre de mots correspondant. Chaque arrêt correspond donc à une portion de la dictée.

Autrefois

Autrefois, l’écolier allait à l’école avec un tablier. [11 mots] En classe, il rangeait ses affaires dans un casier. [20 mots] Il mettait ses crayons, sa règle et sa gomme dans un plumier, [32 mots] une sorte de petite boîte en bois léger. [40 mots] Il écrivait avec une plume en acier qu’il trempait dans un encrier. [53 mots] Les cahiers n’étaient pas de bonne qualité [61 mots] et souvent il faisait des pâtés, [67 mots] c’est-à-dire de splendides taches d’encre [76 mots] qui s’étalaient sur le papier. [82 mots]

Ainsi un arrêt à 40 mots équivaut pratiquement à la moitié de la dictée. Si l’on considère que l’on note sur 20 points la dictée complète, la moitié de la dictée ne permettra d’obtenir que 10 points sur les 20. On peut ainsi établir la note maximum que l’on peut obtenir pour chaque arrêt grâce à une simple règle de trois. Pour reprendre l’exemple précédent, on obtiendrait le tableau suivant :

Nombre de mots Note de départ
11 2,5
20 5
32 8
40 10
53 13
61 15
67 16,5
76 18,5
82 20

 

On écrit au tableau cette grille de correspondance afin qu’elle soit bien visible par les élèves durant toute la durée de la dictée. Chaque élève peut librement choisir à tout moment à quel endroit de la dictée il s’arrêtera, en fonction du niveau qu’il estime avoir en tenant compte de ses résultats antérieurs. Il indique dans la marge du cahier le nombre de mots auquel il s’est arrêté pour faciliter la correction. On le corrigera en défalquant les points non à partir de 20, mais à partir du nombre de points correspondant à l’endroit où il s’est arrêté. Il est également important d’inscrire dans la marge, au regard de chaque faute, ou près de la faute elle-même, le nombre de points qu’elle a fait perdre de manière à ce que l’élève puisse juger de l’importance relative de chacune de ses erreurs.

Voici un exemple de correction à partir du texte de dictée précédent.

Ici l’élève a choisi de faire une dictée de 61 mots, il part donc de la note 15 à laquelle on a enlevé 3 fautes à 1 point et 2 fautes à 2 points, soit 7 points au total. Il obtient donc un résultat de 8 sur 20. On lui fera remarquer que les deux fautes à 2 points ont été très pénalisantes, mais qu’il aurait pu très facilement les éviter avec un minimum d’attention et de réflexion et ainsi obtenir 12 sur 20.

Le système peut a priori paraître absurde car notre vision d’adulte nous laisserait supposer qu’il est préférable de faire la dictée complète pour être certain de partir du maximum de points. Mais dans la pratique il n’en est pas ainsi, et je peux assurer, par expérience, que le système fonctionne très bien en cours moyen, avec peut-être la nécessité de conseiller un peu plus certains élèves en CM1. Il importe de prendre le temps de bien expliquer le système aux élèves, avec exemples concrets à l’appui.

Lorsque l’on fait la dictée complète, ce qui sera le cas de la première dictée qui servira de repère, mais dont on ne tiendra pas compte dans le bilan périodique, on s’aperçoit que les élèves en grande difficulté sont submergés par la longueur du texte, ce qui leur interdit de maintenir leur attention en permanence, et les résultats nuls ne sont pas rares. En revanche ces mêmes élèves seront en mesure de maintenir leur attention sur une courte phrase et d’éviter de faire trop d’erreurs, ce qui, certes, ne leur garantira pas un résultat très élevé, mais un résultat positif, l’important n’étant pas le résultat dans l’absolu mais les progrès qu’ils sont en mesure de réaliser par rapport à eux-mêmes. L’essentiel est également de leur donner les moyens de pouvoir appliquer la méthode de relecture apprise dans le travail quotidien.

Il est important que l’enseignant ne délivre pas les notes publiquement. Il ne s’agit pas d’une compétition entre élèves, mais d’une compétition de chaque élève avec lui-même.

On pourrait certes légitimement s’interroger sur l’opportunité de faire partir chaque élève du capital de 20 points, quelle que soit la longueur du texte qu’il adopte, pour ne pas pénaliser les élèves les plus en difficulté. Mais cela ne présenterait que des inconvénients :

- Même si l’enseignant préserve l’anonymat des résultats, les élèves échangent entre eux, et se rendront vite compte de l’injustice qu’il y a dans le système.

- On trompe l’élève et sa famille sur ses capacités réelles. Le rôle de l’école n’est pas de faire plaisir, mais de permettre à chacun de progresser à partir de ses capacités. Je m’insurge contre le principe de cacher à un élève son niveau réel, car c’est lui interdire de progresser et cela fera naître en lui un immense sentiment de frustration et d’injustice le jour où, inévitablement, il sera confronté à la réalité.

- On n’incite pas à l’effort, chaque élève, quel que soit son niveau, ayant tout intérêt à choisir la longueur de texte la plus courte possible puisqu’il partira de toute façon du même capital de points.

Il est également très important de choisir des textes adaptés au niveau de la classe que l’on a. Il m’est arrivé de modifier la longueur des textes proposés pour un même niveau d’enseignement lorsque je constatais par exemple des faiblesses plus importantes de l’ensemble de la classe certaines années.pédagogie français CM CE école primaire élémentaire cours fiches exercices

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