Le constat d'une faillite

Tout le monde, y compris des rapports officiels, constate une grande déficience dans la maîtrise de l’orthographe de la langue, à tel point que certaines universités et grandes écoles ont jugé nécessaire de mettre en place des cursus de remise à niveau.

Les analyses sur l’ampleur et les raisons du problème ne manquent pas, mais sont loin de converger. Beaucoup mettent en avant des raisons sociologiques :

- Désinvestissement social quant à la nécessaire maîtrise de l’orthographe qui apparaît très secondaire

- Utilisation massive par les jeunes des SMS, texto (une étude publiée en mars 2014 montre que l'usage des SMS et texto n'aurait pas d'effet sur l'orthographe…

- L’idée que, grâce aux nouvelles technologies, l’informatique notamment, la maîtrise de l’orthographe est moins indispensable. J’ai sur ce sujet une anecdote.

Lire l'anecdote

Déconcerté un jour par mes élèves de CM2 qui se montraient en mesure de prendre conscience des fautes qu’ils commettaient sans toutefois prendre la peine de les corriger, je leur ai demandé les raisons qui les conduisaient à négliger leur orthographe. Ils m’ont alors répondu qu’avec les correcteurs orthographiques, ce n’était plus nécessaire de s’embêter avec l’orthographe. Je ne trouvais pas d’argument à leur portée à leur opposer sur le moment. Quelque temps plus tard je leur ai proposé les phrases suivantes, écrites au tableau, qui les ont beaucoup fait rire tant ils les trouvaient absurdes :

Les menuisiers porte lait porte est les portes jusqu’à leur camion.

Nicolas étalé cherché des feuille dans le bureau de sont pair. Il les à pris dans le tiroir du oh.

La mer du go a réussi sont sot ce qu’il lui a permis de bondir or du trou.

J’ai beau cherché ma route sur le plant, je mes gare qu’en même.

Je leur ai suggéré de les soumettre, chez eux, à leurs différents correcteurs orthographiques. Le résultat fut probant : la plupart des correcteurs acceptaient ces phrases sans sourciller. Faites l’essai chez vous.

- Etc.

Que ces raisons sociologiques soient avérées ou non, il n’en reste pas moins une responsabilité de l’École :

- Si les nouvelles générations jugent la maîtrise de l’orthographe moins nécessaire, c’est qu’à l’école son enseignement y a pris moins d’importance, voire même à certaines époques a été jugée secondaire soit au nom d’un relativisme social, soit parce qu’elle serait cause d’une ségrégation sociale qui nécessiterait de réformer la langue écrite.

- Si la société considère secondaire la maîtrise de l’orthographe, il appartient à l’École de prendre ses responsabilités :

- ou la maîtrise de l’orthographe est jugée effectivement secondaire, et il faut en tirer les conséquences. On ne l’enseigne plus, on n’en déplore plus la déliquescence, et on ne met pas en place des cursus de remise à niveau.

- ou on la juge indispensable, et il appartient à l’École d’aller à contre-courant de la pression sociale en lui réaccordant une place prépondérante dans l’enseignement car sa non-maîtrise n’est pas une fatalité.

La littérature ne manque pas sur le sujet de la dégradation du niveau d’instruction, et il est impossible d’en faire la synthèse ici tant elle est conséquente. On y trouve des positions fondamentalement opposées, certains affirmant que la dégradation de l’instruction n’est qu’un leurre dans la mesure où l’on retrouve la même antienne à travers l’Histoire.

J’ai un parti pris sur ces questions. Oui, la maîtrise de l’orthographe est indispensable car il en va de la compréhension commune : la langue est un moyen de communication, la langue écrite a un mode de fonctionnement qui la distingue en partie de la langue orale, et si l’on veut se comprendre par écrit, il faut en maîtriser les règles. Qui n’a pas abandonné la lecture de messages sur des forums de discussion Internet par exemple, tant leur déchiffrage s’avérait trop pénible ? De plus on s’aperçoit que le mal ne touche pas seulement l’orthographe mais, plus grave, la syntaxe elle-même qui n’est plus ou pas maîtrisée. L’on est de plus en plus confronté, y compris dans la presse écrite des médias papier ou Internet, non seulement à une orthographe très approximative, mais également à des phrases dénuées de sens. Ceci a de sérieuses conséquences, car lorsqu’un écrit n’est pas explicite, ce n’est plus le rédacteur qui exprime ce qu’il pense, mais le lecteur qui croit deviner ce que le rédacteur a voulu dire, en y projetant sa propre pensée. Autrement dit, on n’entend plus ce que l’autre a voulu dire, on y trouve ce que notre subconscient lui fait dire.

Certains avancent que la baisse du niveau de l’orthographe n’est pas avérée. Elle ne serait qu’un artefact lié à une plus grande visibilité du phénomène aujourd’hui, le nombre de personnes s’exprimant publiquement par écrit s’accroissant notamment en raison des nouvelles technologies de communication écrite. L’argument n’est pas à négliger. La comparaison du niveau de maîtrise à travers le temps reste un sujet de controverse et dépend étroitement du type de comparaisons effectuées. Si la recherche d’une réponse à cette question reste pertinente, elle n’est toutefois pas essentielle. Reconnaître que de nos jours les gens s’expriment beaucoup plus par écrit suffit à justifier la nécessité d’en faire maîtriser les règles par tous encore plus aujourd’hui qu’autrefois. pédagogie français CM CE école primaire élémentaire cours fiches exercices

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